Dommages et intérêts dans le cadre d’un divorce

Lorsqu’un divorce est prononcé, l’un des époux peut subir un préjudice d’une gravité particulière, justifiant l’octroi de dommages-intérêts.

Deux fondements juridiques existent : l’article 266 du Code civil, qui concerne exclusivement les conséquences de la dissolution du mariage, et l’article 1240 (ancien article 1382), qui relève du droit commun de la responsabilité civile.

Pas de panique, je vous explique tout ça avec des applications concrètes !

L’article 266 du Code civil : Une règle spécifique au divorce

L’article 266 du Code civil permet à un époux de demander des dommages-intérêts lorsque la dissolution du mariage lui cause des conséquences d’une particulière gravité. Toutefois, ce texte est d’application restreinte et ne s’applique que dans deux situations :

  • Lorsque le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal, à condition que l’époux demandeur n’ait pas initié la procédure.
  • Lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs du conjoint.

Le lien avec le divorce pour faute

S’il n’est pas absolument lié à l’existence d’une faute, l’article 266 concerne néanmoins principalement le divorce pour faute.

Il profite ainsi au conjoint innocent.

En conséquence, une demande de dommages-intérêts fondée sur ce texte doit être rejetée lorsque le divorce est prononcé aux torts partagés des époux.

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal

l’article 266 peut être invoqué dans le cadre d’un divorce pour altération définitive du lien conjugal, sous réserve que l’époux demandeur n’ait pas lui-même initié la procédure. En d’autres termes, le conjoint qui sollicite des dommages-intérêts sur ce fondement doit être perçu comme une pure victime de la dissolution du mariage.

La nature du préjudice réparable

Le préjudice indemnisable au titre de l’article 266 doit résulter directement de la dissolution du mariage et présenter une gravité exceptionnelle.

Les conséquences d’une particulière gravité sont définies comme les « conséquences qui excèdent celles habituelles affectant toute personne se trouvant dans la même situation » (Paris, 15 janv. 2009, n° 08/07520).

Ainsi, la jurisprudence a rejeté des demandes fondées sur :

  • des événements liés à la procédure de divorce elle-même (Civ. 2e, 11 avr. 2002, n°00-13.417),
  • des violences conjugales préexistantes (Civ. 1re, 14 déc. 2004, n°02-20.652)
  • ou encore le comportement fautif d’un époux durant la procédure de divorce (refus de rendre ses filles en cours de procédure). (1re, 15 mai 2019, n°18-16.055).

En revanche, la jurisprudence a reconnu comme préjudice indemnisable :

  • Le préjudice moral d’un époux atteint d’une maladie grave, fragilisé par le divorce (Paris, 9 sept. 2010, RG n°08/20954).
  • L’abandon brutal d’un époux, causant une profonde détresse psychologique (Poitiers, 19 janv. 1999, Juris-Data n°1999-120697).
  • La solitude affective et sociale après un mariage de longue durée (Civ. 2e, 22 oct. 1975, D. 1976. IR 7).

L’indemnisation ne peut toutefois pas concerner la perte de niveau de vie, couverte par la prestation compensatoire (Civ. 2e, 12 juin 1996, n°94-18.103).

L’article 1240 du Code civil : La faute comme fondement

Indépendamment du divorce, un époux peut obtenir des dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, en prouvant une faute, un préjudice et un lien de causalité.

On va ici rechercher à réparer un préjudice distinct de celui résultant du divorce.

Exemples de fautes reconnues

  • Adultère affiché publiquement, causant un préjudice moral (Civ. 1re, 22 mars 2005, n°04-11.942).
  • Violences conjugales pendant le mariage (Civ. 1re, 7 déc. 2016, n°15-27.900).
  • Ruine financière de l’autre conjoint par des dépenses excessives ou des détournements de fonds communs (Civ. 2e, 20 janv. 1982, Bull. civ. II, n°11).
  • Le refus de l’un des époux de produire des pièces qui ont ralenti considérablement la procédure de divorce
  • Imitation de la signature du conjoint afin d’obtenir un prêt à la consommation 

Contrairement à l’article 266, il n’est pas nécessaire que le préjudice soit directement lié à la dissolution du mariage. Un époux peut ainsi obtenir réparation pour des actes survenus avant, pendant ou après la procédure de divorce, tant que la faute est établie.

Tableau comparatif des articles 266 et 1240 du Code civil

CritèresArticle 266Article 1240
FondementDissolution du mariageResponsabilité civile (faute)
ConditionsPréjudice d’une gravité exceptionnelle causé par le divorceFaute, préjudice et lien de causalité
Faute requiseNonOui
Types de préjudices indemnisablesExclusivement liés à la dissolution du mariageTous types de préjudices (matériels, moraux)
Exemples jurisprudentielsMaladie aggravée par le divorce, isolement socialAdultère affiché, violences conjugales, ruine financière
Possibilité de cumulouiOui

Conclusion

L’article 266 du Code civil permet une indemnité lorsque la dissolution du mariage cause un préjudice exceptionnel, sans nécessairement exiger de faute. L’article 1240, en revanche, ouvre un champ plus large, permettant de sanctionner tout comportement fautif, qu’il soit lié ou non à la dissolution du mariage.

Pour maximiser ses chances d’obtenir une réparation, un époux doit veiller à bien qualifier son préjudice et à présenter ses demandes sur les bons fondements juridiques. Maintenant que vous y voyez plus clair, vous pouvez interroger votre avocat.

Petite précision, dans le cadre d’un divorce amiable (par consentement mutuel), il est impossible de demander des dommages et intérêts.

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